En forêt d'Argonne - Troisième partie
Les retours de permissions étaient assez moroses. Gardant précieusement le souvenir des jours de détente familiale, les poilus, fidèles à leur devoir, se rembarquaient sans défaillance. Ils partageaient dans le train les provisions rapportées, conservant le principal pour les copains du front. Chez les Normands, le Calvados, généreusement distribués, alimentait les bombances qui noyaient le chagrin.
Sergent fourrier Yver
Notre calme secteur de la forêt d'Argonne connut cependant des jours agités par une guerre des mines et la conquête des entonnoirs. Des travaux souterrains, exécutés par les soldats du génie avaient pour but, au moyen de sapes, d'atteindre le dessous des premières lignes allemandes, d'y introduire des charges de dynamite dont l'explosion devait provoquer des cratères de volcans. Le tout était de parvenir d'abord à ce résultat. De part et d'autre, on s'efforçait d'y atteindre.
Lieutenant Legros
Mais des écouteurs surveillaient le bruit sourd des coups de pioche pour repérer leur emplacement et leur direction. Des contre mines cherchaient à détruire ce travail et c'était une course épique de combattants obscurs qui, sans se voir, percevaient leur approche. Nous étions près de la butte de Vauguois où eurent lieus des luttes harassantes et dramatiques, ensevelissant les occupants des tranchées et souvent les mineurs eux-mêmes. Notre bois connut de ces combats meurtriers pour la conquête et la conservation des entonnoirs, ces trous gigantesques souvent recouverts de cadavres et de débris de coffrage.