Noël aux tranchées - Seconde partie

Publié le par journaldeguerre14-18.over-blog.com

La grande offensive de septembre dont la préparation apparaissait d'une ampleur jusqu'alors inconnue, commençait à agiter notre secteur. Son point de départ devant notre régiment se développerait en direction de la ferme de Navarin, puis de Vouziers avec l'objectif escompté de la percée et de la poursuite. Le secret mal gardé compromit sans doute un espoir excessif.


 

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Poste de transmission

 

Au cours de l'été, nous avions reçu la visite du général Marchand, belle figure de soldat, qui devait attaquer avec ses troupes coloniales et venait reconnaître le secteur. Je le vis traverser la grande rue de Souain toujours tracée entre les maisons en ruines, la canne à la main et la pipe à la bouche, sans se soucier de « Fritz », le tirailleur allemand ainsi dénommé par nous, qui d'un poste d'observation, avait braqué son arme dans l'axe du chemin. Il saluait d'un coup de fusil tous ceux qui circulaient à découvert. Nous connaissions cette manie dangereuse et en avions méfiance quand nous étions appelés à circuler dans le village, ce qu'il me fallait faire de temps à autre. J'en avais profité pour examiner les ruines de l'église et en faire un croquis. Bien abrité, je n'en avais pas moins été chassé par un marmitage soudain.


31b (original 31a)Eglise de Souain

 

Notre division avait passé tout l'hiver dans les tranchées. Les troupes n'étaient guère fraîches et le moral assez compromis. Nous fûmes donc mis en réserve à l'ouest du secteur d'attaque, occupant des lignes face au mont Cornillet. À partir de là, l'offensive devait s'étendre sur un vaste front qu'on appela la bataille de Champagne.

 

Au jour J, le 25 septembre, nous étions au bois noir. À notre droite, la canonnade s'était faite intense et à l’heure H, on aperçut au loin des troupes en tirailleurs qui derrière le drapeau et les clairons sonnant la charge, grimpaient à l'assaut. Spectacle hallucinant que ce déploiement digne d'anciens tableaux de guerre... et qui ne devait plus se renouveler. Car il fallut se rendre à l'évidence et comprendre après cette expérience que la bataille ne pourrait plus ressembler à celles d'autrefois. Il y eut des avances sensibles en divers points. La ferme Navarin fut prise par les soldats de Marchand, celui-ci précédant ses soldats, canne à la main. Il fut fait de nombreux prisonniers mais la cavalerie prévue ne put réaliser et poursuivre la percée. Et il y eut chez nous de nombreux morts. J'appris peu après que mon cousin Robert Bouré, jeune aspirant de la classe 15 avaient été tué à la tête de sa section.


58c (original 58a)Sergent fourrier Yver

 

Resté plus d'un an dans cette région de la Champagne Pouilleuse, j'eus l'occasion de la parcourir en tous sens de Prosne à Valmy en passant par Somme Suippes, Somme Tourbe et Somme Brionne, de Sept Saulse dont l'église avait gardé le souvenir du passage de Jeanne d'Arc à Cuperly et à la Cheppe. Cette Champagne là portait bien son nom de Pouilleuse, car elle était plate sans autre végétation que de maigres bosquets de sapins, ce qui l'opposait à la Champagne opulente des vignobles qui allaient d'Épernay à Reims, comprenait les riches coteaux de Verzy et de Verzenay que j'aperçus en la traversant en de pénibles conditions de fatigue avant et après la bataille de la Marne.

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