A Suippes et à Souain - Deuxième partie

Publié le par journaldeguerre14-18.over-blog.com

Mes relations personnelles s'étaient étendues au-delà de ma modeste situation militaire, après avoir « croqué » un certain nombre de poilus et même des gendarmes..., j'avais été plus ou moins accrédité pour faire le portrait des officiers du régiment qui voulaient bien poser devant moi. Même si j’en sortais quelques caricatures. Je fis ainsi la tête du capitaine Le Besnerais, né natif de Vire en l’entourant d'une andouille en fait d'auréole. Il ne m'en voulut pas trop bien que j’avais « tapé dans le mille » et j'en eu quelques succès. Le comble est que je fus honoré d'une invitation du colonel Grassy, commandant le régiment. Un soir, il me reçut à sa table, simple deuxième classe, parmi les officiers de son entourage dont son fils, le sous-lieutenant Grassy qui me traitait en camarade.

 

34b.jpgSouain - Mars 1915

 

En la circonstance, et comme remerciements, je remis au colonel son propre portrait assez bien réussi avec son monocle et sa canne. Le dessin était rehaussé d'aquarelle. Je veux noter ici la surprenante considération que j'ai obtenue ainsi près de tous les soldats et officiers et l’indépendance que j'en avais acquise. Quoique à 8 km seulement des premières lignes, Suippes n'était que rarement bombardé, mais je me souviens d'un arrosage en règle par des avions qui avaient surpris notre troupe en marche, grosse émotion qui provoqua une rapide dispersion et relativement peu de dégâts. Tout compte fait, le repos à Suippes, c'était le bon temps.


34c.jpgMoulin de Souain

 

Puis nous partions en deuxième ligne où le confort, si je puis dire, était moindre. Il y avait de dure corvée pour les poilus qui montaient porter du matériel en première ligne quand la nuit tombait. C'était lourd, fatigant et dangereux et dans la journée, ils assaillaient le poste de secours pour s'y faire soigner et si possible se faire « porter pâle » autrement dit exemptés de service. Pour moi, matin et soir, j'allais à Suippes le plus souvent à pied pour porter mes plis et chercher la popote, promenade solitaire et pénible corvée par temps de pluie. Nous occupions alors la côte 153 en arrière de la voie romaine. Le paysage affreusement plat était ponctué par l'alignement des arbres au long des grandes routes et par des bosquets de sapins plus ou moins échevelés, sous lesquels les abris de fortune avaient été construits. Dans le poste de secours, infirmiers et brancardiers tuaient le temps en jouant à la Manille. Avant le repas, ils offraient parfois aux sous-officiers amis du voisinage un apéritif fort apprécié. C'était en fait de l'élixir parégorique dont les toubibs faisaient grand usage pour combattre la diarrhée et qui arrosé d'eau, avait un excellent goût d'absinthe et de pastis. Entre-temps pour ma part, je remplissais des carnets de croquis.


 

33aLe poste de secours et le gourbi des agents de liaison

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