A Suippes et à Souain - Première partie

Publié le par journaldeguerre14-18.over-blog.com

Je faisais partie du troisième bataillon. Alternativement avec le premier le deuxième, les relèves nous conduisaient de huit jours en huit jours au repos à Suippes, en réserve, puis aux tranchées de première ligne en avant du village de Souain.

 

Suippes, c'était un ancien gros bourg, grouillant de soldats parmi quelques civils. C'était le centre de l'Etat-major et des services divisionnaires. Les propriétés et les locaux habitables servaient à plein temps pour le logement des officiers et des services. Un certain nombre de maisons plus ou moins délabrées ou vétustes restaient encore debout et Joseph avait trouvé le moyen de s'adjuger une bicoque où nous avions notre chambre, préférable à un cantonnement. Ce n'était pas somptueux mais quel précieux chez soi. Mon frère y avait aménagé une bibliothèque et recevait des camarades, tel le vénérable abbé Achard de Laluardière, curé à Cherbourg (dans le civil), présentement affecté aux brancardiers divisionnaires. Le délicieux abbé breton du Plessis de Grenadan mobilisé comme artilleur et le brave ami Auffray, licencié en histoire et combattant dans un autre régiment de la division, le 202ème d'infanterie. Joseph était sergent, Achard caporal, les autres simples soldats comme moi-même. Nous avions constitué un véritable cercle spirituel et littéraire. Combien cela fut précieux à ma formation morale et intellectuelle.

 

30a.jpgLe sergent brancardier Joseph ROBINNE et

le Caporal ACHARD de LELUARDIERE

 

 

30c (original 30a)

 

Le caporal ACHARD de LELUARDIERE (croquis original)

 

Tandis que les officiers de temps à autre allaient goûter aux charmes des villes de l'arrière à Châlons-sur-Marne, située à 23 km de là, les poilus noyaient leurs chagrins et oubliaient leur misère en quelques bombances ou soulographie, nous tentions de nous occuper de manière plus profitable en rédigeant un petit journal intitulé « Entre nous » que l'on tirait à la pâte à copier. Il y paraissait poèmes, récits de guerre et aussi illustrations dont j'avais été chargé et cela constituait notre passe temps en  dehors des services de chacun assez peu accaparants.

 

L'église décapitée de son clocher, démunie de sa toiture, avait été partiellement abritée. Elle n'était pas désaffectée et servait journellement. L'assistance la remplissait aux messes du dimanche célébrées par nos aumôniers régimentaires (le nôtre était l'abbé Lemazurien) ou par l’un des nombreux ecclésiastiques résidant à Suippes et mobilisés dans les services sanitaires de la division. En dehors de notre logis, nous disposions d'une popote ou un cuistot talentueux, ancien charcutier, agrémentait nos repas de mets parfois succulents et inattendus. Le matin, le jus assorti de gnole ou de lait concentré était souvent accompagné de hareng saur et à certaines grandes fêtes, nous mangeâmes du chat rôti en guise de lapin. Comme nous n'avions pas été prévenus de la surprise, ce plat exquis fut apprécié de tous.


 

31a.jpgL'église de SUIPPES et l'église de SOUAIN - Février 1915 

 

31b--original-31a-.jpg

L'église de SOUAIN (Croquis original)

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