Aux tranchées avec le 336ème R.I. - Seconde partie

Publié le par journaldeguerre14-18.over-blog.com

Les trois bataillons du 336ème se relaient alternativement en première ligne devant le village de Souain et prennent leur repos dans le bourg de Suippes partiellement en ruines et déserté de ses habitants. Il en reste cependant : épiciers, marchands de « pinard » et autres tentés par le commerce fructueux qu'ils font avec la troupe.


27a.jpgSuipes - 02 mars 1915

 

Me sachant peu apte à être terrassier, Joseph, sans que je lui demande, m'a fait affecter comme agent de liaison du service médical où j’aurai des occupations moins harassantes sinon plus conformes à mes capacités. Bien étrange destinée qui me voit pour commencer garçon d'écurie chargé de soigner un cheval, de l’étriller, de le mener à l'abreuvoir et de conduire une voiture pour porter de Suippes à la deuxième ligne le ravitaillement du personnel du service médical et le matériel du poste de secours.

 

À la guerre comme à la guerre ! mais on s'aperçoit assez vite que l'on s'est trompé sur mes connaissances. Mon aptitude à soigner et à conduire un cheval est moins appréciée que celle d'en faire des croquis. Car j'ai emporté cette fois encore, carnet, bloc et crayons de couleur et j'aurai la possibilité et l'occasion de m'en servir. Je suis donc déchargé des soins à donner à mon canasson et l’on m’octroie une bicyclette sur laquelle je sais au moins pédaler. J'y gagne en outre une précieuse indépendance - mission de confiance ou pas -, je vais remettre des plis au bureau du bataillon, à l'état-major de la division, porter chercher le courrier et je fais la navette entre les lignes et Suippes pour effectuer des emplettes variées dont celle reconnue et primordiale d'acheter du « pinard » ! Hélas... mais il faut bien l'admettre, le « pinard » est l'un des soutiens nécessaires aux combattants :

 

« Salut pinard, vrai sang d’la terre

Tu réchauffes et tu rafraîchis,

Grand élixir du militaire –

Plus j’y songe et plus j’réfléchis

Qu’si tu n’existais pas en somme

Il aurait fallu t’inventer…

Y a plus de pinard, y a plus d’bonhomme

C’est le nouveau cri de l’humanité »

 

(Ces vers sont du Capitaine Max Leclerc qui a écrit aussi « La Passion de notre frère le Poilu »).


Fable

Fable

 

Hé oui ! Quelle autre distraction et quel autre soutien (en dehors du courrier) pouvaient avoir les pauvres camarades harassés, qui en me voyant passer dans leurs tranchées ou devant leurs abris savaient qu'ils pouvaient me charger de leur bidon pour le faire remplir. Je m'étais fait ainsi de bons copains qui me saluaient « André, t’es un pote ». Avec les nombreux bidons passés en bandoulière, je ressemblais à un Bibendum, et j’allais rejoindre ma bicyclette laissée à l’arrière dans un poste de secours. Car aux approches des premières lignes, les boyaux remplis de boue, parfois jusqu'à mi-jambe, n'était pas cyclables. Je tentais parfois l'escapade en roulant sur le bled, non sans me faire canarder.


33b (original 33a)

Le poste de secours - 22 février 1915

 

La liaison avait bien sûr ses dangers mais combien moindres que ceux des combattants occupant la tranchée jour et nuit et allant poser dans l'ombre du soir des réseaux de fils de fer fabriqués dans la journée. Combien de temps aurais-je pu résister à leurs travaux forcés ?

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